Celui qui n’a pas siroté un verre d’ouzo plein de glaçons, qui ne s’est pas surpris à rêver en regardant le liquide transparent se transformer en blanc laiteux, celui qui n’a pas senti son palais s’emplir du parfum doux et anisé, ne peut pas comprendre profondément le goût de l’été grec ! Car, plus que la boisson nationale, l’ouzo est un concentré de Grèce, à chaque gorgée il ouvre une fenêtre sur les îles, sur la mer bleue, sur la table pleine de mezzés…
L’ouzo, une recette gardée secrète
En Grèce, il y a autant d’ouzos différents que de producteurs ! Chacun a sa recette qu’il garde jalousement pour la transmettre à la génération suivante. Mais la fabrication de base de l’ouzo est commune : un alambic en cuivre appelé amvikas (άμβυκας) en grec, de l’alcool à 96-100° provenant de produits agricoles et des aromates, dont l’anis. Par ailleurs, depuis 1989, la boisson doit être produite en Grèce pour pouvoir bénéficier de l’appellation Ouzo. Les principales régions de production sont les îles de Mytilène (ou Lesbos), Chios, les régions de Macédoine et de Thrace dans le nord du pays, ainsi que Kalamata.
D’où vient le parfum spécifique de l’ouzo ?
L’ouzo est produit par la double (ou même triple) distillation d’un alcool neutre provenant de céréales ou de betterave sucrière. Pendant la distillation, on rajoute de l’eau et des plantes ou des extraits naturels : l’anis bien sûr. Mais aussi le fenouil, le mastic (de Chios obligatoirement), l’anis étoilé, la réglisse, la cannelle, la coriandre, la menthe poivrée, le clou de girofle, l’arbouse ou la cardamone font partie des plantes qui aromatisent l’ouzo, selon les régions et la recette de chaque fabricant. Parfois, les grains d’anis sont mis à gonfler dans l’eau de mer !
L’anis, l’ingrédient magique
C’est l’anis et plus particulièrement l’anéthol, son huile essentielle qui donne à l’ouzo son goût particulier. C’est aussi l’anéthol qui le rend laiteux et opaque, dès qu’on y rajoute de l’eau ou des glaçons. Mais pourquoi ? Parce que, comme toutes les huiles essentielles, l’anéthol est soluble dans l’alcool mais pas dans l’eau. Aussi, tant que l’ouzo est tranquille dans sa bouteille, l’anéthol reste dissout dans l’alcool et la couleur de la boisson est transparente. Mais dès qu’on rajoute de l’eau ou des glaçons, l’équilibre change : le pourcentage de l’alcool baisse et les molécules de l’anéthol ne peuvent plus se dissoudre dans le liquide à forte contenance d’eau. Cela les trouble, dirait-on et elles se concentrent en gouttes qui restent en suspension dans la boisson, diffusant leur couleur blanche. Même après avoir compris le processus, la transformation n’en est pas moins magique !
Mais pourquoi « Ouzo » ?
On ne sait pas quand le premier ouzo a été fabriqué. On ne sait pas non plus où. Mais les produits et les procédés de la distillation étaient déjà connus pendant l’antiquité. On sait également qu’à Mytilène (Lesbos), l’ouzo a commencé à être fabriqué et commercialisé vers le milieu du XIXème siècle. D’ailleurs c’est cette île qui, aujourd’hui encore, assure la moitié de la production totale du pays, grâce à la douzaine de distilleries qui y fonctionnent.
Par ailleurs, il paraît que Marseille fut la première destination des exportations d’ouzo. Sur les boîtes contenant les bouteilles on inscrivait : « Uso di Massalia », c’est à dire à l’usage de Marseille. C’est comme ça que le nom ouzo serait né !
Comment déguster l’ouzo ? De quoi l’accompagner ?
En Grèce, l’ouzo se boit d’habitude dans un verre haut et fin rempli de glaçons. Si on veut, on peut également rajouter de l’eau fraîche. Dans les tavernes ou, plus précisément, dans les ouzéris (bars qui servent des mezzés accompagnés d’ouzo), on vous proposera des mignonnettes individuelles ou alors un « karafaki », petite bouteille de 200ml.
Quant aux mezzés, vous avez l’embarras du choix : poulpe grillé, anchois marinés, taramosalata, fromage de brebis frit (saganaki) ou grillé, olives, fromage frais pimenté (tyrokaftéri), boulettes de viande (keftédès), tzatziki… la liste est bien sûr loin d’être exhaustive et varie selon les régions.
Plusieurs ouzéris proposent des « pikilia », assortiment de mezzés dans un plat plus ou moins grand. C’est en général bon et vous évitera d’hésiter. Dans les cafés de villages, vous pouvez demander un ouzo « skéto » (sans accomagnement) ou alors « mé mezzé » (avec mezzé). Ne vous attendez pas à en faire votre repas de midi. La plupart du temps, le mezzé de l’ouzo est une toute petite assiette avec un bout de tomate, deux-trois olives, une tranche de pain et deux anchois.
Dans tous les cas, l’ouzo est une boisson à consommer avec modération, il contient quand même plus de 40% d’alcool !
Le tsipouro, le grand rival de l’ouzo
Depuis une vingtaine d’années, l’ouzo a un grand rival : le tsipouro appelé aussi raki ou encore tsikoudia en Crète. Il s’agit également d’un alcool fort, à 45% minimum. Il peut être anisé ou pas. La différence est que le tsipouro est fabriqué à partir de la distillation de marc de raisin au lieu de l’alcool qui sert de base pour l’ouzo. En réalité, traditionnellement l’ouzo est consommé plutôt dans les îles ou dans le nord du pays, alors que le tsipouro est une boisson typique de la Grèce centrale et de la Crète.
Où acheter de l’ouzo ? Où apprendre plus sur l’ouzo ?
On peut acheter de l’ouzo dans toutes les caves à vin, les supermarchés et les épiceries du pays.
Dans le centre d’Athènes, on vous recommande le bar Vrettos, 41 rue Kidathineon, Plaka. Il s’agit d’une vieille distillerie athénienne qui produit de l’ouzo depuis 1909. Outre son décor impressionnant de bouteilles colorés juste à côté des tonneaux anciens, toujours en usage, la carte propose entre autres des cocktails à base d’ouzo. En plus, on peut acheter des bouteilles d’ouzo sur place. On adore leur ouzo Gold en bouteille métallique, pratique pour le voyage !
Dans les régions de production, vous trouverez plus facilement les marques locales. N’hésitez pas à les déguster dans un ouzéri avant d’en acheter. Dans tous les cas, pour commander de l’ouzo dans un ouzéri ou un bar, on vous conseille de demander quelles sont les marques locales, ou alors de commander votre marque préférée. Souvent, les distilleries ont également des points de vente et de dégustation.
A Mytilène, deux musées vous permettront d’apprendre plus sur l’histoire de l’ouzo en Grèce et les procédés de fabrication. Les deux se trouvent dans la région de Plomari et se trouvent dans les domaines des fabricants très réputés Plomari et Varvayannis. Vous trouverez plus d’informations sur les sites respectifs : Plomari – Barbayanni (Varvayannis).
Evi S.
