Patrick Leigh Fermor, amoureux des voyages et de la Grèce

Patrick Leigh Fermor
© Patrick Leigh Fermor

Patrick Leigh Fermor a été l’ami du poète et lauréat du prix Nobel Georges Seféris, de l’écrivain Georges Katsimbalis, le célèbre Colosse de Maroussi qu’Henry Miller a immortalisé dans son livre éponyme ainsi que du peintre cubiste Nikos Hatzikyiriakos-Ghikas. Lawrence Durrell, l’auteur du Quatuor d’Alexandrie et Bruce Chatwin, l’écrivain-voyageur, ont souvent été accueillis dans sa maison de Kardamyli, au Magne.

L’histoire et la vie de Patrick Leigh Fermor

Patrick Leigh Fermor était amoureux de voyages. En 1933, à l’âge de 18 ans, il quitte son pays pour traverser à pieds l’Europe, fuyant une carrière d’officier, avec pour seul bagage l’anthologie de poésie The Oxford Book of English Verse. Deux ans plus tard il atteint Constantinople et dans la foulée il rejoint le Mont Athos. De ces voyages il tira trois livres (Le Temps des offrandes, Entre fleuve et forêt et La Route interrompue) considérés comme des chefs d’œuvre de la littérature de voyage.

Ayant rejoint l’Angleterre, il intègre l’armée et en 1942 il est parachuté par le SOE (Special Operations Executive) en Grèce afin de rejoindre la résistance à l’envahisseur. En 1944, il enlève, avec une petite troupe d’hommes, le commandant allemand de l’île de Crète, le général Kreipe. Poursuivis par les troupes allemandes à travers toute la Crète, ils réussiront à le transférer en Egypte. De cet exploit sera tiré un film, Ill Met by Moonlight, avec Dirk Bogarde dans le rôle de Patrick Leigh Fermor.

Après la guerre, il suit sa future épouse Joan en Grèce et, après avoir parcouru tout le pays, ils s’installent dans une superbe maison près de Kardamyli où ils s’attachent, lui à écrire et elle à photographier les paysages grecs ainsi que leurs célèbres amis. En 1996 ils l’ont léguée au musée Benaki, souhaitant qu’elle héberge écrivains, artistes  et chercheurs à la recherche de tranquillité, mais qu’elle soit aussi ouverte au public.

L’œuvre de Patrick Leigh Fermor

Enlever un général (éd. Nevicata) Patrick Leigh Fermor
Enlever un général (éd. Nevicata) Patrick Leigh Fermor
Dans la nuit et le vent Patrick Leigh Fermor
Dans la nuit et le vent (éd. Nevicata) Patrick Leigh Fermor

Voici deux extraits de ses livres qui attestent parfaitement pourquoi il est considéré comme le plus grand écrivain de voyage de notre temps par ses pairs.

Extrait de « Enlever un général »

« Mais on a toujours du mal à quitter la Crète ; c’était particulièrement le cas à présent. Le rivage s’étageait à l’est et à l’ouest en une vingtaine de replis surplombants et chaque cap successif, dans la clarté de cet air d’un cristallin de lentille, était aussi détaillé que les rochers où nous étions allongés ; ils ne s’estompaient qu’en plongeant sous la surface.

Visibles ici sur plusieurs lieues, ils s’immergeaient droit dans les gouffres d’un bleu de paon de la mer de Libye, à des profondeurs aussi éloignées de la surface que les grandes crêtes inversement dressées, emmêlées derrière nous. Seule l’île de Gavdos interrompait le miroitement infini de la mer. Les falaises en contrebas étaient une jungle descendante de thym, hélianthèmes, bruyères, myrtes, arbousiers et verveine, les lauriers-roses matérialisaient les lits des torrents jonchés de rocs et de galets et l’air était saturé du parfum des herbes.

Qui échangerait tout cela, et les rossignols, les tintements des pacages, les appels distants des bergers, et l’écho des coups de feu dans les gorges vides, contre des sonnettes de tram, des jacarandas, des corneilles noires et des muezzins ? » [Enlever un général (éd. Nevicata), qui relate son exploit de baroudeur]

Extrait de « Dans la nuit et le vent »

« Ce n’est que plus tard, en Grèce, que je devais en apprendre un peu sur ces danses : comment certains érudits situent l’apparition de la première danse à Tatavla, le quartier de la boucherie à Constantinople, et celle de la seconde parmi les Zeibeks, sauvage tribu des montagnes de Phrygie, en jugeant possible qu’elles remontent l’une et l’autre à l’époque byzantine.

D’autres leur attribuent une origine beaucoup plus reculée dans l’histoire grecque et des analogies mythologiques subtiles et assez séduisantes ont été élaborées pour expliquer les différentes phases des deux danses. D’autres, cependant, indifférents à leur étrangeté et à leur complexe perfection, abhorrant en outre leurs possibles relents d’esclavage turc, voient les vraies descendantes de la danse pyrrhique guerrière dans les rondes fougueuses, beaucoup plus décidées – où l’on voit le meneur accomplir d’éblouissantes acrobaties – que les Klephtes, qui ont combattu et résisté aux Turcs, ont dansées dans leurs montagnes libres des siècles durant. (Ces danses expriment tout autant cet esprit guerrier que les fustanelles blanches, les souliers recourbés à pompons, le yatagan et le fusil à canon long.)

Ces critiques ont raison de ne rien trouver de guerrier ni de simple dans les deux danses que je venais de voir (englobées toutes deux, avec leur accompagnement joué et chanté, sous le nom de mas ta rebetiko). Elles expriment en fait la quintessence du fatalisme et de la solitude morose, une consolation et un baume contre la catastrophe individuelle, et constituent avec leurs chansons un efficace antidote métrique et chorégraphique.

Un autre trait milite contre elles : elles sont associées à la vie des bas-fonds, aux quartiers des réfugiés, aux caves avinées, aux repères de fumeurs de haschisch, aux bars des quais, aux heures d’oisiveté passées autour du narguiléμ à l’engrenage esthétisant des grains d’ambre et de leurs glands, pour tuer le temps.

Elles sont traditionnellement liées à un habillement précis, aujourd’hui quasi disparu : chaussures pointues, pantalon à la mode des années 1860, large des hanches, étroit des chevilles, maintenu par une ceinture rouge, veste portée sur les épaules sans être effilée, manches pendantes – auquel s’ajoutent des moustaches effilées, une mèche pendante sur le front, la casquette rejetée en arrière, une démarche relâchée, un cliquettement languide, syncopé, du chapelet enroulé autour de l’index et tenu sur les reins, une cigarette à la commissure des lèvres, un sourire légèrement sarcastique, un visage impassible, une gestuelle toujours pondérée et une lueur aussi dangereuse qu’ironique dans les yeux mi-clos. » [Dans la nuit et le vent (éd. Nevicata), son chef-d’œuvre du voyage]

 

Article écrit par nos amis de la librairie Lexikopolio

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