« Polyphonie, la Grèce d’histoires en Histoire », le nouveau roman d'Isabelle Cervellin

« Polyphonie, la Grèce d’histoires en Histoire », le nouveau roman d'Isabelle Cervellin-Chevalier
© Maesi64 [CC0]

Bonjour Isabelle,

Pour débuter, reprenons votre réponse à la dernière question de notre interview à l’occasion de la sortie de votre troisième roman, La danse des sept voiles :
« C’est vrai, mon premier roman était la traduction romancée d’un manuscrit chypriote, ensuite est venu Moundjou qui clôturait une tranche de vie de six ans en République centrafricaine, La danse des sept voiles a pour cadre l’Arabie saoudite. Il y a de fortes chances pour que le prochain roman ait quelque chose à voir avec Athènes… » C’est donc avec beaucoup d’avidité que nous découvrons « Polyphonie, la Grèce d’histoires en Histoire ».

« Polyphonie » Isabelle Cervellin-Chevalier

Commençons par le titre de votre roman. Pourquoi « Polyphonie » ? Un bref cours d’étymologie s’impose !

Polyphonie est un terme qui vient du grec, bien entendu ! Poly : plusieurs, Phonie : voix.
En musique, c’est la superposition de plusieurs voix indépendantes mélodiquement mais qui sont liées par l’harmonie.
En littérature, la polyphonie est un procédé qui désigne la pluralité des voix narratives.
Dans mon texte, il s’agit tout à la fois de musique de l’histoire et de narrations plurielles. Cela fait aussi écho aux aèdes des temps anciens dont les voix racontaient les histoires des divinités aux mortels qu’ils croisaient sur leur route.
Ce sont toutes ces voix qui s’unissent pour raconter des histoires qui s’entremêlent pour composer une Histoire.
Plus prosaïquement, ce sont les voix des sept narrateurs auxquels j’ai donné la parole dans le roman.

Comment vous est venue l’idée de ce roman sur la Grèce ?

Ce pays est tellement inspirant ! Il y a tant de romans à écrire sur la Grèce…
L’idée a germé il y a longtemps et je pense qu’elle est restée en sommeil jusqu’à ce qu’au détour d’un hasard de la vie, elle se réveille.
J’ai toujours été fascinée par le fait que les rencontres, en Grèce, sont immédiatement l’occasion de raconter des histoires. Dès que vous entamez une discussion, où que vous soyez, quelle que soit la personne que la vie met sur votre chemin, elle va vous raconter une histoire, celle d’une vie, d’un village, d’une légende… et elle va vous poser des questions pour que, à votre tour, vous racontiez qui vous êtes. Et on repart grandi avec la sensation d’avoir fait une rencontre humaine, tout simplement.

J’avoue que parler grec est une chance extraordinaire, et c’est certainement une des clefs qui permettent de savourer ce pays.

Les mots de cette langue eux-mêmes sont chargés d’histoires incroyables si l’on s’intéresse à l’étymologie. D’ailleurs, traduire de la littérature grecque est aussi un des grands plaisirs de mon quotidien. Dernièrement, j’écris aussi pour le tourisme, j’ai participé à l’écriture d’un guide touristique : Hachette/Evasion, « Athènes et le Péloponnèse », et je rédige des articles pour le Figaro.
Polyphonie est un roman qui pourrait être un complément de ces écrits touristiques, un compagnon de voyage pour des voyageurs curieux d’aller au-delà des apparences.

Isabelle Cervellin-Chevalier

« Polyphonie » est construit comme un recueil de nouvelles. Pourquoi avez-vous choisi cette forme d’écriture ?

C’est un roman construit comme un recueil de nouvelles. Tout à fait !
Mais c’est un roman dont le personnage principal est la Grèce. Comme une variation sur le même thème à travers des époques différentes.
Chacune des histoires est divisée en sous parties, mi feuilleton, mi récit homérique. On part d’un personnage et on découvre son histoire qui témoigne d’un temps toujours en lien avec ce qui précède et ce qui suit. Le rythme est rapide dans la composition mais lent dans la narration, comme serait celui de la respiration d’un conteur qui devrait reprendre son souffle à intervalle régulier.
Il y a un espace d’environ 500 ans entre chaque histoire et on repart sur une nouvelle péripétie, c’est ça aussi qui a orienté mon choix pour les nouvelles.
C’est un mot et un genre littéraire chargés de sens. Le fil d’Ariane, le lien qui permet à tous ces morceaux d’histoire de ne faire qu’un dans le roman, c’est le temps.

« Le temps fait des cercles » c’est une réplique qui se répète dans le texte et qui existe aussi dans la structure du récit.

À la fin de chaque histoire qui plonge dans le passé, il y a un clin d’œil à la Grèce d’aujourd’hui qui permet de repartir dans un autre passé et, d’un temps à l’autre, d’avancer dans l’Histoire. Ces petits éclairages rapides sur le moment présent interrogent sur la fiction et le fondement du mythe.

C’est un peu ça aussi la Grèce, un univers où la limite entre le réel et l’imaginaire est ténue !

Ces incursions dans le présent sont une façon imagée de dire au lecteur : « Vous venez de lire une histoire qui n’est pas vraie, une fiction qui vous a parlé de divinités, de héros, de situations fantaisistes et, pourtant, tout n’est pas entièrement faux, regardez, il en reste encore quelque chose aujourd’hui… ».

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les sept histoires de « Polyphonie » ?

Ce sont sept histoires pour raconter. Sept portes d’entrée pour avoir envie d’être curieux.

Et, d’histoire en histoire, depuis l’antiquité jusqu’à la révolution grecque dont on fête le bicentenaire cette année, apparait la silhouette de la Grèce telle qu’elle s’offre à nous de nos jours.

Quand les mortels et les Dieux se partageaient le monde rend hommage au génie créatif et à la naissance de notre civilisation.
À l’époque romaine, du temps d’Hérode Atticus, met en scène une société différente de la précédente, la façon dont les Romains se sont positionnés et le rayonnement intellectuel des Grecs.
De Byzance à Constantinople, explique toute une histoire de religions et de mises à l’épreuve de la tolérance à travers les guerres des hommes et la réalité des femmes.
Dans L’arrivée fracassante du Christianisme, tout est dit à travers les agissements d’un centurion chargé d’éliminer de la surface de la terre toute trace de paganisme.
La fin du premier millénaire sur les flancs du mont Hélicon, est un autre épisode charnière qui voit s’épanouir l’art byzantin sous la menace d’incursions mahométanes et de tensions géopolitiques qui annoncent déjà le basculement dans quelque chose de différent.
Quand le Péloponnèse était le royaume franc de Morée, voilà pourquoi on trouve tant de vestiges de châteaux francs dispersés dans les terres !
Du joug ottoman à la révolution, dernier volet de l’aventure à travers la colère d’un moinillon qui porte en lui la révolte qui gronde dans le pays…

Est-ce pour vous un assouvissement de rédiger un livre sur ce pays qui vous tient tant à cœur ?

C’est très épanouissant. J’aime profondément la Grèce, écrire et voyager. Si je peux faire voyager des lecteurs jusqu’en Grèce à travers ce que j’écris, c’est du pur bonheur !

Vous avez pour habitude de déconstruire les préjugés, montrer la réalité derrière les apparences, est-ce également le cas dans « Polyphonie » ?

Peut-être ! À vous de voir…

Où trouver « Polyphonie » ?

Le roman est en vente :

  • A la librairie Lexikopoleio (Stasinou 13, Pangrati, Athènes)
  • Sur le site internet de l’Harmattan.
  • Disponible également sur Amazon.

Merci Isabelle et bon voyage à tous !

Elodie H.

Laisser un commentaire