Interview exclusive de Laurence Devillairs

Laurence Devillairs interview pour vivre Athènes
@ Astrid Crollalanza

Philosophe reconnue pour son art de rendre accessibles les grandes idées, Laurence Devillairs nourrit depuis toujours une profonde admiration pour la Grèce, berceau de la pensée occidentale. À travers cette interview exclusive, elle nous ouvre ainsi les portes de son lien intime avec ce pays mythique. Ce que lui évoquent ses paysages, ses philosophes, et la manière dont la Grèce continue d’inspirer sa réflexion. Une rencontre inspirante avec une penseuse engagée, qui nous rappelle que philosopher, c’est d’abord apprendre à mieux vivre.

Photo de Laurence Devillairs
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« Rendre la philosophie vivante : la mission de Laurence Devillairs »

Que représente la Grèce pour vous : un souvenir, un mythe, une idée ?

Je n’étais jamais venue en Grèce, ce qui semble à peine compréhensible quand on est philosophe.
La Grèce était donc une utopie, au sens strict.
Quelque chose qui n’est pas un lieu, sans doute plus de l’ordre d’une idée et d’une abstraction. Je pourrais aller jusqu’à dire un concept !
La Grèce était pour moi, plus une temporalité : le temps des origines, quand tout a commencé, le début de l’Europe, de la civilisation dont elle est porteuse.
C’était aussi un art : ce miracle de perfection de l’art sous le règne de Périclès, au Ve siècle avant J.-C.
En fait, je peux dire que la Grèce était pour moi l’Arcadie, cette région plus rêvée et fantasmée que réelle, et que chante le poète latin Virgile : l’Arcadie est la terre de l’idéal, celle d’une harmonie, d’une paix et d’une perfection.
C’est dire combien j’étais peu préparée pour la rencontre avec la réalité !

La philosophie grecque est au cœur de notre culture : y a-t-il un penseur ou une idée grecque qui vous accompagne particulièrement ?

Je me sens plus proche de Socrate, de Diogène, le philosophe « cynique », rebelle et provocateur, de Zénon, le fondateur de l’école stoïcienne, que de mes contemporains. Et que dire de Platon ? C’est l’équivalent d’un dictionnaire pour un philosophe.

Il y a de nombreuses idées, de nombreux concepts grecs qui m’accompagnent, et que je ne cesse de méditer, comme celui de kairos, de moment opportun, à apprendre à saisir.

Et je dois vous dire que mon dernier livre, La Splendeur du monde, est tout entier inspiré de ce que Platon dit de la beauté, à savoir qu’elle est « ekphanestaton », ce qui « brille le plus ».
C’est en réfléchissant à cette notion que j’ai mis en avant l’idée de « splendeur », qui signifie exactement « ce qui brille » en latin, afin de définir un genre de beauté, qui n’est ni le beau, qui se signale, qui est répertorié, et dont on fait des musées, ni le sublime, qui est une beauté effrayante.

Avant même d’aller à Athènes, j’étais donc redevable de ce qu’elle m’avait donné.

Si vous pouviez vous échapper une semaine sur une île grecque, que glisseriez-vous dans votre valise (livres, carnets, silence, etc.) ?

Je n’emporterais rien du tout. Je m’abandonnerais tout entière à ce que j’y verrais, sentirais et penserais. Je vivrais de l’eau et du vent. Je me nourrirais de silence et de splendeurs, justement.
Je ne connais que la Crète, qui fut mon premier voyage seule, sans mes parents, à 16 ans, et Santorin, où je suis restée sans voix devant l’infini de la mer. J’ai compris alors qu’en Grèce, on marche véritablement à côté des dieux.
Je pense que je vais aller un jour, prochainement, dans une île grecque, car je dois vivre cela : la mer pour seule compagnie et la philosophie, là où elle a été très exactement inventée et enseignée.

Un lieu, une sensation, une saveur en Grèce qui vous reste en mémoire comme un petit bonheur ?

La visite d’Athènes avec Céline, ma guide d’exception. De bout en bout, j’ai été subjuguée : la Grèce est donc un pays ! Elle existe, c’est une réalité, et pas seulement une idée. Me dire que j’ai marché là où s’est trouvé Platon, ou presque, c’est presque insoutenable, j’en frémis encore.
Je revois cette église, saint Jean-Baptiste, où Céline m’a emmenée : église orthodoxe mais dont la colonne vertébrale est plus précisément la colonne d’un ancien temple. Nous avons brûlé des cierges, un pour les vivants, un pour les morts. J’avais l’impression de toucher le ciel, de comprendre l’étoffe de l’histoire, la matière dont sont faites les religions. Inoubliable. Unique.

Est-ce qu’un lieu en Grèce vous a déjà inspirée dans votre écriture, ou pourrait le faire ?

Je regrette d’avoir fini mon livre sur la splendeur du monde avant d’être venue à Athènes. J’ai vu l’Érechthéion (deuxième temple de l’Acropole) sous un ciel d’orage, comme suspendu entre terre et ciel. Ce n’était pas des ruines, j’avais le sentiment que j’allais y aller pour prier les dieux et les déesses.
Cette perfection, cette puissance de la Grèce, à tout jamais, je l’ai sentie comme un souffle, comme si je rencontrais le souffle… de quoi, au juste ? Sans doute de la vérité.

Petite anecdote : toute l’équipe et les amis ont commencé par écouter un podcast de Laurence Devillairs. Il s’agit de « les sagesses secrètes du quotidien avec la philosophe Laurence Devillairs. » La philosophie peut parfois faire un peu peur…mais après ce podcast, on est tous devenus fan ! On a acheté les livres et nos conversations ont bien évolué ! 🥰

Un immense merci à Laurence Devillairs.

Céline P.

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