Des bestsellers sur le Grec ancien !
« J’ai toujours trouvé une boussole pour mes réflexions dans les textes anciens« .
Une écrivaine et journaliste italienne de renom, comptant à son actif 5 romans ! Fervente amante du grec ancien, elle tisse, avec intelligence et pour notre régal, des ponts entre hier et aujourd’hui.
Andréa, après vos études en Lettres classiques, vous avez intégré la Scuela Holden à Turin. Au moment où vous prenez cette voie, avez-vous des attentes ?
À la fin de mes années universitaires en tant que philologue classique, je savais que je ne voulais pas enseigner, ni embrasser une carrière universitaire. […] Si j’avais des attentes ? Je me rappelle que je n’étais pas certaine de vouloir devenir écrivaine.
D’ailleurs, aujourd’hui encore, il m’est difficile de me qualifier en tant qu’écrivain. Cependant en m’inscrivant dans cette institution, je savais que les mots en général étaient mon pays et mon paysage. […] Oui, au moment où j’intègre cette école, je possède déjà ce regard grec qui me caractérise.
Andrea, en 2016 alors que vous n’avez que 29 ans, vous publiez « La langue géniale ou 9 raisons d’aimer le grec ». Ce premier roman rencontre un succès spectaculaire ! Me viennent deux questions :
- D’une part, à quand remonte votre rêve d’écrire ?
- Ensuite, que souhaitiez vous transmettre à vos lecteurs par le biais de ce premier roman ?
[…] Donc si je me tourne vers mon enfance, j’aperçois une petite fille qui ne se rêve pas écrivaine mais qui est une grande lectrice, plongeant littéralement dans les mots. […] Oui, au moment où j’intègre cette école, je possède déjà ce regard grec qui me caractérise. Oui, ce que j’aime faire avant tout c’est interroger le monde, réfléchir et partager mes réflexions.[…]Moi ce que je voulais, c’était me tourner vers la Grèce antique et partager la beauté de la langue grecque.
Je me souviens combien ce choix a laissé perplexe mon éditeur ainsi que mes amis. C’est donc envers et contre tous, et sans aucune attente, je me suis lancé dans mon projet romanesque, libre d’écrire tout ce que je voulais. J’ai savouré cette liberté, et me suis régalée à écrire ce livre dans lequel je désirais partager ce message qui me tenait à cœur : le grec ancien est très beau, avant même d’être très important.[…]
Andréa Marcolongo, je vous ai moi-même découverte en dévorant ce premier roman : La langue géniale, 9 raisons d’aimer le grec. Dans ce livre, vous proposez une exploration passionnée et accessible de la langue grecque ancienne.[…]
- Votre narration est vivante car vous mêlez votre histoire personnelle au sujet traité. Cette manière de procéder semble vous caractériser.
- Pourquoi ce procédé ?
La langue géniale n’est pas un manuel de grec ancien. En effet, même si on apprend de nombreuses choses sur le grec ancien en le lisant, il ne s’agit ni d’un essai, ni d’un traité et encore moins d’une thèse. Ce livre est animé par mon désir de partager le bouleversement que la langue grecque a suscité en moi à mon adolescence.[…]
Ce genre littéraire me va bien, il me permettait de parler du grec ancien tout en y entremêlant des détails sur ma vie, de la poésie contemporaine, de la musique, des voyages. Pourquoi mes romans empruntent ce genre littéraire? Je dirais que c’est devenu naturel pour moi, c’est mon ADN littéraire, je mêle de la sagesse antique, des œuvres anciennes et aussi mon expérience, ma façon de voir la vie.[…]
Andréa Marcolongo, on dit souvent de vous, que vous êtes l’écrivaine qui ressuscite les mythes intemporels et les héros de nos histoires oubliées. Pourriez-vous nous dire comment vous trouver vos sujets ? Existe-t-il une vibration entre la femme que vous êtes et votre projet romanesque au moment où vous vous en emparez ?
J’aime bien le mot que vous employez : “vibration” car c’est bien de ceci dont il est question. L’écriture n’est pas quelque chose que je force. Quand je décide d’écrire, je ne consulte pas les livres, je ne visite pas les rayons d’une bibliothèque à la recherche d’un opus à moderniser. Non, ce sont les idées qui viennent à moi, seules, avec force et intensité. C’est vraiment le sujet qui s’impose et qui me fait vibrer comme vous avez dit. […]
C’est un réflexe : quand quelque chose du réel me frappe, je vais chercher si quelqu’un a déjà parlé de moi il y a deux mille ans. En général la réponse est oui. Je voudrais cependant préciser qu’il ne s’agit pas d’une injonction. Je ne veux pas obliger les anciens à raconter notre présent, non c’est plutôt l’inverse. Si je ne comprends pas, si j’ai besoin de plus de renseignements sur notre présent, alors je vais voir les anciens. […]. J’ai toujours trouvé une boussole pour mes réflexions dans les textes anciens.
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Il semblerait que la culture classique soit de moins en moins acceptée par certains cercles qui estiment que son héritage est dépassé. Même si la réponse est pressentie, nous voudrions savoir ce que vous répondriez à cela ?
C’est la partie la plus politique de ce que je fais. Effectivement, si j’écris et si je prends la parole en public, c’est aussi pour défendre les lettres anciennes aujourd’hui.
Si les langues anciennes et la culture classique sont en crise, cela ne m’inquiète pas trop, car je sais que le classique est en crise depuis toujours. En effet, j’imagine qu’Homère était déjà en crise à l’époque de Platon. C’est d’ailleurs cette remise en cause constante qui en fait sa force. Je dirais même que c’est plutôt un bon signe, cela signifie qu’elle est toujours là, vivante. Elle nous parle et nous oblige à nous remettre en question.
Ce qui me dérange et me préoccupe se loge plutôt dans le dénigrement. […] Cette triste réalité m’amène à d’autres réflexions qui me sont chères et qui sont urgentes aujourd’hui. Cette tendance à évaluer les savoirs entre ceux qui sont censés être utiles et les autres, me révolte[…] Aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin de développer notre esprit critique. Et à mes yeux, il n’y a aucune matière plus efficace pour entraîner l’esprit critique que la philosophie ancienne. Le fait qu’un nombre réduit d’élèves s’emparent et perfectionnent cet esprit critique tandis que les autres sont complètement abandonnés à eux-mêmes, me semble injuste et dangereux.[…]
Pourriez-vous nous parler brièvement des enjeux de votre dernier roman “Courir” sorti le 5 mai dernier aux éditions Gallimard ?
Bien sûr. Lorsque j’ai compris que courir était une activité beaucoup plus philosophique que je ne l’aurais pensé, j’ai essayé de comprendre pourquoi je courais, et pourquoi nous courons tous aujourd’hui.[…]Comme toujours, je suis allée voir chez les anciens et j’ai découvert, comme je le disais tout à l’heure, Philostrate.
Que l’on soit amateur de course ou non, cette réflexion personnelle et érudite propose une approche captivante du jogging, dépassant la simple tendance sociétale pour lui conférer une véritable dimension philosophique et poétique.
Il va sans dire que la Grèce était le pays des jeux olympiques. Le pays où le sport, la compétition, l’agonisme étaient vraiment un pendant de la vie collective et politique. C’est ainsi que j’ai fait de Philostrate mon coach, jusqu’au jour où je me suis inscrite pour mon premier et dernier marathon, évidemment celui d’Athènes, que j’ai couru en 2022. Ce livre est le récit de cette course et j’aime à dire que c’est un livre que j’ai écrit avec mes mains, installée derrière mon bureau mais aussi en courant avec mes pieds. Il s’agit d’un double marathon en quelque sorte.
Avez-vous des projets d’écriture qui implique la Grèce ?
Mais oui, tous mes projets sont liés à la Grèce et je crois qu’ils le seront toujours. Je viens de recommencer à écrire après une pause obligée, suite à la naissance de ma fille. Et j’écris d’ailleurs sur ce qui m’habite : la maternité ! Vous vous doutez bien que nous y retrouvons la Grèce.
Pour clore cet entretien, la question qui caractérisera tous nos entrevues à venir : Quel lieu de Grèce vous inspire particulièrement et pour quelle(s) raison(s) ?
Je crois qu’il y a deux lieux qui m’inspirent particulièrement. Je ne peux pas m’empêcher de penser au Parthénon, c’est d’ailleurs le lieu que j’ai choisi en toile de fond pour la photo de cette entrevue, ainsi que le musée de l’Acropole[…]
Je pense que le projet architectural de ce musée crée un dialogue entre le musée physique et l’Acropole qui se situe juste en face. J’adore sa structure que je trouve sublime, elle émerge littéralement depuis le niveau de l’Athènes ancienne. C’est vraiment mon lieu de cœur et je crois que je m’y rends à chacune de mes visites à Athènes[…]
Je voudrais citer un autre lieu. Il s’agit de l’île de Corfou où j’ai passé mes vacances cet été. Cette île qui n’a jamais été sous l’occupation ottomane, je la trouve à la fois italienne, française, et grecque, et je m’y sens chez moi.[…] En dehors de cette référence, ce qui m’a amenée à Corfou trouve sa source dans la littérature moderne. En effet grâce à la famille Durell, je ressens un lien singulier avec Corfou. Cette famille y a habité quelques années avant la deuxième guerre mondiale, et je ne saurais résister à l’envie de recommander aux lecteurs la trilogie sur Corfou écrite par Gérard Durell.
Vous pouvez consulter cette interview de manière exhaustive sur le lien suivant : interview d’Andréa Marcolongo
Qui est notre rédactrice littéraire Vivre Athènes ?
Myriam Louise Mitakos
Rédactrice et animatrice d’atelier d’écriture.