Les murs dansent, le deuxième roman de Nadja Psychouli

Les murs dansent, le deuxième roman de Nadja Psychouli
© Laurent Lô, photographe

Les murs dansent est le récit poignant d’une jeune femme grecque exilée en France. Ce livre au style direct nous permet d’en apprendre beaucoup sur cette crise économique qui a touché la Grèce en 2008.

En fait, comme le dit très bien Nadja Psychouli, ce livre donne une vision à la loupe de gens normaux qui se débattent dans une situation anormale.

Alors, un grand merci Nadja Psychouli d’avoir accepté de répondre à nos questions. On vous laisse donc découvrir cette incroyable narratrice…

1/ Bonjour Nadja, nous terminons à l’instant la lecture de votre roman « Les murs dansent » et une question nous vient immédiatement : Comment vous sentez vous ? Est-ce qu’aujourd’hui encore les murs dansent ?

Les murs dansent quand on va mal.
Et non, aujourd’hui les murs ne dansent plus. Mais, quand je les ai vus danser en 2013, je savais que j’allais parler de cette expérience que j’aurais définie comme une crise de panique. Dans mon roman, j’ai fait très attention d’utiliser qu’une seule fois le mot panique. Exprès. Mon roman est comme un poème, en utilisant la litote (un mot grec très lié avec la crise) qui consiste à dire moins pour suggérer plus.
L’écriture, les deux livres que j’ai publiés me donnent un certain équilibre, m’aident à mieux vivre mon exil, à réconcilier aussi les deux pays, la France et la Grèce.

2/ Pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre histoire et des liens que vous entretenez avec la France et la Grèce ?

J’ai fait des études d’histoire à l’Université Aristote de Thessalonique. Je suis venue à Paris pour faire un Master 2 en histoire de l’art (Paris 1-Sorbonne), j’ai fait un deuxième Master 2 sur les relations internationales en travaillant en même temps au ministère de la Culture dans différents services.
Jusqu’en 2008, je me disais qu’un jour j’allais rentrer en Grèce. J’hésitais. Ce qui était un vrai calvaire. Et après, la crise est arrivée et elle a décidé à ma place, comme je le dis dans mon livre.
La France, c’est mon autre moitié. Deux livres écrits en français, c’est un témoignage de mon ancrage en France.

J’ai appris le français à l’institut français de Larissa, parce que je ne voulais pas apprendre le piano que mes parents avaient acheté à l’époque.

J’ai choisi le français sans pouvoir imaginer que ce choix allait définir l’endroit où j’allais vivre !

Les murs dansent, le deuxième roman de Nadja Psychouli
© Laurent Lô, photographe

3/ A quel moment l’écriture est-elle devenue une activité importante dans votre vie ? Y’a-t-il eut un élément déclencheur ?

J’adore lire depuis que je suis petite, aller dans les bibliothèques municipales. Les livres ont toujours joué un rôle important dans ma vie. Ce sont comme des bons amis. Fidèles.
D’ailleurs, à Larissa j’ai toujours habité dans la même rue que les bibliothèques municipales et je trouvais que c’était un bon signe !
J’ai commencé à écrire des articles pour des magazines grecs en arrivant en France sans savoir pourquoi. J’ai compris que j’aimais bien jouer avec les mots. Les articles étaient courts et je devais compter les mots, les transformer et ça me plaisait.
Après je pense que l’écriture a un lien avec l’ennui. Je m’ennuyais. J’avais terminé mes études, j’avais un bon travail et je me disais, et maintenant ? C’est tout ?
La réalité m’ennuie à mort et j’ai besoin de m’échapper comme Alice aux pays des merveilles. Pour survivre. Et quel défi plus dur que l’écriture !

4/ Les murs dansent est un récit bouleversant qui frappe le lecteur de plein fouet comme la crise à frapper la Grèce en 2008. Nadja Psychouli, Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont vous avez écrit ce roman et votre style si direct ?

Chaque fois que je revenais de Grèce, les Français me parlaient de soleil, de la mer comme si la Grèce était le paradis. C’est le paradis, concernant la beauté des paysages, mais je passais mon temps à leur expliquer ce qui ne va pas, les problèmes du peuple grec et je faisais pareil avec les Grecs : je leur expliquais ce qui ne va pas en France.
L’exil permet cela. D’avoir une distance, ce fameux recul que tout le monde nous conseille. Vous entendez souvent la phrase : « Prends du recul ». Un des côtés positifs de l’exil est ce recul.

J’étais agacée de devoir raconter chaque fois les mêmes choses et j’ai décidé d’écrire ce livre.

Concernant le style direct, j’aime l’écriture au scalpel, les phrases courtes sans adverbes ou adjectifs qui tuent parfois la phrase.

Quand quelque chose est sincère ça fonctionne. On le sent. Je tiens un journal depuis janvier 2013. J’ai une obsession avec les journaux intimes des écrivains ; je les dévore et puis mon journal c’est comme un outil de travail pour moi. C’est là où je note mes idées, mes pensées, mes histoires, des phrases que j’entends, c’est quelque chose que j’utilise beaucoup dans mon écriture. Comme un bloc-notes. Mon journal est mon oreille.

5/ Que pensez-vous de l’évolution de la société grecque depuis 2008 et de ses relations avec l’Europe ? Comment imaginez-vous son avenir ?

L’évolution de la société grecque depuis 2008 a été énorme. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre pour réagir, pour ne pas rester avec les bras croisés.

Tout a explosé en 2008. Je me souviens que le 6 décembre 2008, j’étais devant l’Opéra quand j’ai appris la mort de l’adolescent, Alexandros Grigoropoulos et j’ai compris que rien ne serait plus pareil.

C’est drôle, quand arrive quelque chose d’énorme, on se souvient toujours de l’endroit où on était…
Après avoir lu le livre des gens me disent : « J’ai compris, grâce à vous, ce que vivent les Grecs… J’avais, jusqu’ici, une vision abstraite, celle qu’on a, au mieux, en lisant la presse française… Je suis effaré par la violence de l’économie…Je n’imaginais pas que la crise en Grèce avait à ce point touché les gens. » Mon livre donne une vision à la loupe de gens normaux qui se débattent dans une situation anormale.
Ce qui me fait mal, ce sont les jeunes… sans travail. Ça me fait mal…J’ai beaucoup discuté avec eux pendant que j’étais en Grèce et j’ai entendu, vu leur peur… Du travail pour les jeunes, c’est ça que je voudrais avant tout. Que les jeunes puissent être indépendants, autonomes pour qu’ils puissent rêver. Une jeune fille m’a dit à Paris lors d’une dédicace : « La crise nous a rendus adultes » et elle a raison !

6/ Les murs dansent est votre deuxième roman, pouvez-vous nous parler de « Mes chaussettes trouées » ? Y’a-t-il un lien entre vos deux ouvrages ?

Le lien entre les deux ouvrages est le suivant : je pars toujours de quelque chose qui m’arrive, d’une expérience personnelle et ensuite, je l’associe à une idée plus grande, plus universelle en essayant de tisser une histoire. Les deux sont indispensables. Si on utilise que l’expérience personnelle c’est ennuyant. C’est comme si on s’apitoyait sur son sort.
Pour Mes chaussettes trouées, l’expérience personnelle était le monde des musées parisiens, surtout mes premières années à Paris quand je travaillais au Centre Pompidou à la médiation d’une exposition qui a eu lieu dans le quartier de Stalingrad.
Mais, je me suis aussi inspirée de l’exposition « La villa de Mademoiselle B » qui s’était tenue à la Cité de l’architecture (où je travaille actuellement) en 2007.

Mademoiselle B. (alias Barbie) avait appelé la Cité pour l’aider à inventer la villa de ses rêves. Dix
femmes architectes avaient été invitées à concevoir une pièce de la maison de Mademoiselle B.

Bizarrement, dans les deux ouvrages, le lieu de travail joue un rôle important.

Justement parce que pour moi, ça représente plus qu’un lieu de travail. C’est un lieu d’appartenance, d’intégration,
d’apprentissage. C’est là où je m’inspire, où j’observe, où j’apprends. Sans doute, parce que j’y passe
beaucoup de temps. L’interaction avec mes collègues, l’expérience personnelle et l’imagination
produisent le cocktail de mon écriture. Mon mojito, si vous voulez.

Les murs dansent, le deuxième roman de Nadja Psychouli
© Ianna Andréadis, peintre/photographe.

7/ Avez-vous déjà une idée pour votre prochain roman ?

J’ai compris que l’idée du prochain roman arrive un peu avant de terminer le précèdent.
J’avais commencé en 2020 deux pièces de théâtre que je veux terminer même si tout le monde me
dit que j’aurai du mal à les faire publier. J’ai décidé de faire confiance à mon instinct.
Je viens de terminer aussi une histoire pour enfants. Pendant la pandémie, je suis restée un an et
demi en Grèce en travaillant à distance. Avec ma nièce Despoina qui a six ans, nous avons écrit
beaucoup d’histoires et c’est un projet qui me tient à cœur.

Marie-Amélie Tek, architecte du patrimoine, dessinatrice qui a déjà publié un livre pour enfants fera
les dessins. Il y aussi un projet de traduction des nouvelles d’un écrivain français, Guy de Maupassant, que nous préparons avec Effi Koromila, traductrice littéraire.

Merci infiniment Nadja Psychouli pour cette interview.

Où se procurer les romans de Nadja Psychouli ?

Dans toutes les librairies.
Les murs dansent, Espaces & Signes
Mes chaussettes trouées, L’Harmattan

Entretien réalisé par Elodie H.

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